Vivre dans le monde oblige à le subir. De nombreuses pratiques spirituelles permettent à leurs adeptes de vivre dans des espaces tranquilles en marge de ce monde : monastères, ermitages, ashrâms… Bien que ces vies soient propices à l’étude, au silence, au calme, à la méditation, au détachement ; il manque la pratique. Il manque le fait de vivre une existence faite d’obligation familiales, professionnelles… avec ses contraintes, ses exigences, ses joies et parfois ses malheurs. Se heurter au monde signifie devoir rendre des comptes à son patron, effectuer toutes les démarches obligatoires, faire face aux problèmes et aux imprévus. Bref, se heurter à la résistance de la matière. C’est tout le décalage entre la théorie des enseignement spirituels et la pratique de la réalité du monde.
Juste en entrant en contact avec la société, une personne peut se retrouver immédiatement contaminée par toutes sortes de vibrations négatives, de challenges, de tentations. Entrer en contact actif avec ces environnements permet donc de tester sa force spirituelle et sa volonté, de comprendre l’essence du monde, tout en ayant à assumer ses responsabilités sociétales (travail, famille, obligations diverses, pression sociale, conformisme mondain…).
Durant ces expositions à ces environnements souvent négatifs, chacun peut perdre de l’énergie et se retrouver contaminé par ces états négatifs. Il doit donc régulièrement se recharger en énergie et se recentrer dans un environnement préservé dans lequel il est protégé de la fureur du monde, tel que la nature sauvage ou un foyer.
Mais justement : notre monde intérieur doit se confronter au réel pour se réajuster et se renforcer. Car il est possible de lire des livres, d’apprendre, de comprendre et d’intégrer des enseignements spirituels ; leur véritable valeur passera par la confrontation avec le réel. Si la pratique correspond à la théorie, ça nous renforce et confirme la bonne direction. Si la théorie est mise à mal par la pratique, cela nous permet de réajuster et progresser dans un meilleur sens.
Un des plus grands obstacles à la réalisation spirituelle est ce sentiment de limitation et d’impuissance. Les actions et les progrès spirituels semblent n’avoir peu ou pas d’effet sur le monde. Beaucoup se sentent attachés à des emplois insignifiants et épuisants qui peuvent réduire leurs aspirations et leurs motivations spirituelles. Beaucoup courent après le temps et ne trouvent pas l’énergie et les ressources nécessaires à l’évolution spirituelle. Les environnements sociaux, familiers et professionnels peuvent drainer leurs énergies physiques et psychiques. Tout ceci peut dévier du chemin vertical.
Toutes ces contraintes, ces obligations, ces limitations sont comme des dragons de l’ère moderne faisant barrage à la voie héroïque de la transcendance. Ils sont aussi effrayants et puissants que les monstres des contes. Le courage nécessaire à leurs dépassements est à la mesure des mythologies et des contes de fées. Qui ose faire face à l’ogre des responsabilités sociales ? Qui a le courage d’affronter le kraken du monde du travail ? Qui a la conviction suffisante pour combattre l’armée de la pression sociale ? Tous ces mythes et ces symboles sont plus que jamais d’actualité.
Tous les challenges du monde ne vont pas disparaitre d’un coup de baguette magique. Mais les percevoir différent et les appréhender selon cette perspective mythologique et symbolique peut changer notre regard. Ils ont un rôle supérieur : celui de nous tester et nous pousser toujours plus loin. Celui de nous dévoiler à nous-même et nous emmener à la connaissance de soi. Chaque époque de l’histoire humaine possède ses propres monstres. Mais ils ont tous un point commun au-delà des sociétés et des cultures : leurs difficultés à les dépasser, leur apparente invincibilité.
« Le poids c’est la tâche » selon les dialogues avec l’ange. La confrontation avec ces monstres devient un tremplin vers la libération et la transcendance. Ils portent un rôle d’envergure cosmique. L’aventure spirituelle héroïque se révèle dans les challenges de notre vie quotidienne.