» Il faut vivre son propre évangile et créer ses propres mythes »
Miguel Conner
De tous temps, ce sont les narrations collectives qui structuraient les psychés des sociétés : les mythes durant les époques païennes offraient des structures narratives sur lesquelles les êtres pouvaient s’identifier et organiser la vie en société, donner du sens à leurs vies et à l’univers. Puis avec les religions, ce sont les textes sacrés qui apportaient du sens et du contenu à la conscience collective.
Les valeurs, les références socio-culturelles dépendent des époques et proviennent de ses textes / mythes fondateurs.
Mais durant les périodes de transition, lorsque ces fondations perdent leurs significations et leurs forces structurantes, de nombreuses difficultés apparaissent. Elles se désintégrent durant les fins de cycles de chaque période historique majeure. Deux tendances en générale apparaissent :
– d’un côté les croyances et les traditions tendent à se cristalliser et bloquent alors la vitalité humaine. Les narrations dans ce cas deviennent dogmes et fanatisme, et cherchent à s’imposer par la force et la menace dans leurs formes les plus rigoristes.
– d’un autre côté, elles deviennent des formes vides et sèches, puis divorcent de leurs aspects traditionnels pour devenir des parodies de leurs splendeurs perdues : elles perdent leurs puissance évocatrices en devenant déformées par des caricatures, des imitations en accord avec les modes et les fantaisies du moment, avec les transgressions et les imaginations d’artistes et de créateurs divers.
C’est le dilemme de notre temps, pris en étau entre autoritarisme et progressisme. Cette double impasse nous coupe de la profondeur et du sens de ces narrations collectives. Elle assèche notre vitalité et besoins de directions et de sens.
Face à l’angoisse du déracinement et le bouleversement de la société, les gens souffrent et par dépit ou désespoir adhérent à l’autoritarisme ou au progressisme. Mais chacun manque la véritable relation à ces narrations collectives perdues. Ils s’accrochent à l’autorité, aux institutions ou aux œuvres déformées comme à une bouée de sauvetage, comme une source de sécurité. Car la plupart des gens sont incapables de tolérer tant de changements et d’incertitudes simultanément.
Au delà du dogme et de la déformation, la désintégration des narrations collectives signale une fin de cycle inéluctable et une nécessité de création de nouvelles narrations adaptées aux nouvelles consciences : sans être dogmatique ni parodique (qui supposent un attachement au passé), c’est à chacun de nous de créer sa propre narration individuelle, d’écrire son propre évangile et de vivre son propre mythe.
L’échelle collective étant dépassée et condamnée par la loi des cycles, c’est au niveau individuel que le Nouveau peut se créer. Libéré du poids des narrations passées, c’est à chacun de devenir souverain de ses propres narratifs et de ses références qui structurent et apportent du sens au monde. Ces démarches individuelles deviendront les fondations des futurs cycles humains.
La tâche est difficile, mais il nous faut accepter cette période de transition telle qu’elle est véritablement dans ses dimensions cosmiques et spirituelles. Il nous faut puiser nos inspirations de ces nouvelles narrations par notre centre intérieur, par une plus grande compréhension de nous même et par une confrontation courageuse de notre situation historique.