La véritable force spirituelle et la véritable humanité se révèlent surtout dans l’adversité, dans la dignité malgré les douleurs. Des personnes ayant souffert mais gardant malgré cela des marques d’humanité et des élans d’amour représentent la véritable force de l’être et le maintien de son cap de conscience.

Selon Khalil Gibran, au plus la douleur se grave en nous, au plus on peut contenir aussi de la joie. Si nous évitons nos profondeurs, nous expérimentons alors peu de joie véritable. Si nous réussissons à nier cette réalité du deuil, un territoire riche mais difficile, nous restons psychiquement légers et partiels. Nous vivons alors dans une culture de surface, plate, peu profonde. L’envergure de ce que l’on se permet vraiment de ressentir dans nos profondeurs reste étroite. Notre palette d’émotions demeure rétrécie.

William Blake disait aussi : « plus grande est la douleur, plus grande est la joie ».

Ce sont nos chagrins non exprimés, nos histoires de pertes nous encombrant ; qui laissés sans surveillance bloquent notre accès à l’âme. La douleur nous ouvre à la vraie vie. Le chagrin sculpte des lits de rivières vers notre âme. Sans jugement ni mépris, notre vie psychique se déploie et transcende nos limitations. Le chagrin n’est pas un problème à résoudre ; il est une voie nous rendant plus humain, un chemin solitaire que l’on ne peut faire seul selon Francis Weller.

Traverser pleinement une crise personnelle peut nous permettre de nous reconnecter à nos profondeurs intérieures, d’effectuer ce travail de l’âme régénérant l’être d’amour que nous sommes afin qu’il puisse aborder une nouvelle étape de sa vie plus humaine, plus vrai car plus proche de son essence, ce que nous sommes vraiment. Ce cheminement personnel dépend de chaque personne et de la nature de la perte (métier, santé, possessions matérielles, vie amoureuse, famille…).

Cet événement traumatique représente, si la personne n’a jamais souffert ni subi de perte dans sa vie, la première opportunité de se connecter avec son âme : la vraie vie peut alors commencer. Dorénavant, l’être se construit plus de l’intérieur.

Ce sont des faillites personnelles relatives, mais qui néanmoins rentrent dans le même processus de dépouillement de l’être, de perte de quelque chose de précieux. L’importance initiatique de cette épreuve provient justement de la valeur portée à la chose perdue. Pour qu’il y ait un travail de renoncement, de dépassement, il faut réellement tenir aux choses ; sinon on a l’impression d’un bon débarras. Ceci nécessite un travail plus ou moins difficile selon la maturité des êtres et la gravité de la situation, selon l’épaisseur du mur impacté le séparant de son essence, c’est à dire de lui-même.

Ces moments plus ou moins douloureux sont très importants dans la vie, car ils représentent son expérience ultime, poussant les êtres à leurs frontières intérieures. Car si le processus de deuil est finalisé, si la perte de la personnalité est dépassée ; des lueurs de vérités et d’accomplissement illuminent leurs profondeurs.

Plus l’être aura accompli le travail de dépassement rapidement, plus il aura pu accéder à ses profondeurs jusqu’ici insoupçonnées ; il pourra alors vivre encore plus selon sa vérité intérieure unique.